Les inondations sont un problème annuel pour le Soudan qui touche des dizaines de milliers de personnes vivant près du Nil. Bien que le Soudan ait mis en place un système d’alerte précoce, la réponse du gouvernement a généralement été réactive, se limitant à un soutien aux secours après la catastrophe, plutôt qu’à des mesures préventives pour atténuer la catastrophe imminente. Cela doit changer, selon les experts, car les inondations futures ne feront qu’empirer.
Cette année a été un douloureux souvenir de ce manque de préparation avec des niveaux d’inondations sans précédent. Les scientifiques avertissent que le changement climatique pourrait influencer davantage la fluctuation des taux de précipitations dans la région du bassin du Nil, ce qui provoquerait à l’avenir de graves inondations au Soudan.
Les raisons des inondations et l’impact du changement climatique
Docteur Mudathir Zaroug, un expert en climat, a déclaré à Ayin que le changement climatique influence les événements naturels extrêmes ; « Par extrêmes, j’entends que les inondations et les sécheresses deviendront plus intenses et auront une durée plus longue, la fréquence de ces événements augmentera également – cela se voit sur les modèles de circulation globale ».

Comme le changement climatique influence les niveaux de température de l’eau dans l’océan Pacifique, cela provoque les phénomènes naturels appelés El Nino et La Nina, qui affectent les niveaux de précipitations dans les hauts plateaux éthiopiens. « Le Nil bleu – qui représente 58 à 60 % du débit du Nil – coule des hauts plateaux éthiopiens », ajoute M. Zaroug.
De même, a-t-il dit, les variations des niveaux de température dans le dipôle de l’océan Indien entraînent de fortes précipitations dans le lac Victoria, ce qui augmente le niveau de l’eau dans le Nil blanc.

Le Soudan gère les questions relatives aux inondations par le biais du Conseil national suprême de la défense civile qui est sous la supervision du Conseil des ministres et comprend des représentants de différents ministères et d’autres parties prenantes.
Le porte-parole du Conseil national suprême de la défense civile, le colonel Abdul Jalil Abdul Rahim, déclare qu’ils effectuent de nombreuses tâches avant et après les inondations. « Sans notre travail, la catastrophe de cette année aurait été bien pire. Nous avons travaillé à l’établissement de barrières dans les endroits vulnérables, nous avons alerté les gens et les parties prenantes pour qu’ils prennent les précautions nécessaires », dit-il, ajoutant qu’ils prévoient de tirer les leçons de la catastrophe et d’améliorer leur travail.
Les failles du système
Malgré une équipe diversifiée d’experts interdépartementaux au sein du système du Conseil, leur capacité à prévoir et à collecter des données sur les inondations est limitée, explique le responsable du système d’alerte précoce des inondations au sein du ministère de l’Eau et de l’Irrigation, Redwan Mohamed. « Il est nécessaire de disposer de cartes des risques d’inondation et de sensibiliser davantage à l’utilisation des outils de prévision des inondations. Notre système d’alerte précoce doit être étendu pour couvrir tous les risques d’inondation ». Le Soudan continue d’utiliser un système d’alerte précoce introduit par le gouvernement néerlandais dans les années 90, qui ne permet au citoyen d’être averti que deux à trois jours à l’avance de l’imminence d’une inondation, au lieu d’utiliser les prévisions de pluie pour des prévisions à plus long terme, a déclaré le Dr Zaroug. « Le Soudan dispose d’un système d’alerte précoce depuis les années 90 – il est très efficace et dépend de la durée des nuages froids, cependant, il a été négligé par les autorités et aucune amélioration n’a été apportée à ce système », a ajouté le Dr Zaroug.
Le professeur Gamal Abdo, qui dirige le centre de recherche sur l’eau de l’université de Khartoum, affirme que la recherche scientifique est essentielle pour mettre au point un système d’alerte précoce efficace qui surveille les phénomènes naturels responsables des inondations et des sécheresses. « L’alerte précoce devrait comprendre un système permettant de surveiller les précipitations dans les bassins versants supérieurs et d’estimer les débits et les délais en conséquence ». En identifiant les zones vulnérables aux inondations, dit M. Abdo, le Soudan peut procéder à une meilleure planification urbaine et même utiliser les eaux de crue pour l’irrigation et à d’autres fins.

Gestion de l’eau
« Le Soudan a une longue expérience de la récupération d’eau et il existe des centaines de projets réussis qui ont contribué à résoudre les pénuries d’eau dans de nombreuses régions », explique le professeur Abdo.
La gestion des barrages peut également jouer un rôle dans l’atténuation et le contrôle de l’augmentation du débit, mais en raison des problèmes de sédiments qui ont eu un impact sur la capacité des réservoirs de tous les barrages soudanais, c’est la dernière option à laquelle les autorités ont recours pour faire face aux inondations. Cela ne vaut pas seulement pour les barrages soudanais. Le barrage Renaissance d’Éthiopie, le projet hydroélectrique le plus ambitieux d’Afrique, géré en coopération avec le Soudan, peut jouer un rôle dans le contrôle des inondations du Nil bleu à l’avenir.

Aménagement urbain
Si les développements techniques sont extrêmement nécessaires, explique Abdul Rahman Saghyroun, directeur du département de l’eau du Nil et chef du sous-comité des inondations au sein du ministère des ressources en eau et de l’irrigation, la surveillance et l’identification des risques d’inondation en milieu urbain sont également cruciales. Alors que la croissance urbaine se poursuit, de plus en plus de personnes résident dans des zones inondables, a déclaré Rahman à Ayin, et ont besoin de l’aide des autorités pour se reloger dans des zones plus sûres et plus sèches. « Cela va être difficile, et il faut des fonds importants et du travail pour convaincre les gens de déménager, cependant, c’est une étape nécessaire pour atténuer l’impact des inondations à l’avenir ». Le drainage pose un autre défi. « Nous avions un plan en 2019 pour résoudre tous les problèmes d’infrastructure tels que l’emplacement des programmes de logement, le drainage et d’autres choses, mais avec tous les événements de cette année-là, puis avec le Covid-19 cette année, nous ne pouvions pas poursuivre nos plans », a-t-il ajouté.
La sensibilisation des communautés est également un facteur majeur pour atteindre la résilience, selon Abdul Rahman, qui affirme qu’elles sont déterminees de se préparer à des inondations encore plus intenses que celles de 1988 et 2020. « Les citoyens doivent être engagés dès le début pour se préparer aux inondations, et ils doivent être conscients des dangers de vivre dans des zones exposées le long du Nil et des cours d’eau saisonniers », ajoute Mohamed, qui precise qu’une plus grande implication des communautés est nécessaire pour aider le groupe de travail sur les inondations du gouvernement, sous l’égide de la Commission d’aide humanitaire, qui coordonne et facilite les efforts de préparation et de réponse aux inondations