En pleine gestion de la crise sanitaire liée au nouveau Coronavirus, le Sénégal devra composer avec une nouvelle maladie mystérieuse. La cible, ce sont les pêcheurs. D’où le nom maladie des pêcheurs. On ignore toujours les causes du mal qui a couvert des pêcheurs de boutons parfois impressionnants sur le visage et sur d’autres parties du corps dans la région de Dakar au Sénégal. Dame Diop membre du Diraj au Sénégal est allé aux nouvelles.
Des dizaines de personnes couchées ou assises à même le sol, le regard hagard, présentant des boutons sur le visage, et sur d’autres parties du corps et selon des indiscrétions les parties intimes.
L’image fortement médiatisée a provoqué la panique au point de pousser le Ministre de la santé à aller à Thiaroye sur mer pour s’enquérir de la situation.
Dès le début, près de 300 personnes habitant ce quartier au sud de Dakar ont été affectées par cette mystérieuse maladie. D’autres cas ont été ensuite signalés dans des zones de pêche comme Ndayane, Joal, Mbour. Ndiaga Cissé, Président du comité local de la maladie confirme « à Mbour nous avons 11 cas déclarés ce sont des pêcheurs qui étaient partis en campagne au niveau de la mer de Mbour ils habitent les quartiers golf et Tefess.
“Dans ce groupe, il y a des pêcheurs qui viennent de Mbao ou de Dakar mais lorsqu’ils sont revenus ils ont constaté que leurs corps avaient des boutons ». D’emblée le Ministre de la santé a tenu à rassurer les pêcheurs et l’opinion. Monsieur Abdoulaye Sarr, Ministre de la santé a d’entrée écarté tout lien entre la maladie et la covid 19: « Nous pouvons dire que ce n’est pas lié au Covid parce que les tests effectués sont revenus négatifs. On n’a pas aussi vu la présence de virus ce qui nous fait penser à une origine toxique ». Le Ministre de la santé a ensuite assuré que la maladie n’était pas contagieuse: « Seuls les pêcheurs qui reviennent de la mer sont touchés.il n’y a pas de propagation à domicile ».
Faisant le point lors d’une rencontre du gouvernement avec la presse, le Ministre de la santé a révélé qu’à la date du 23 novembre 2020 dans la région de Dakar sur un total de 567 patients un seul a été hospitalisé. Cela révèle une certaine efficacité et une certaine pertinence du traitement.
Dans la région de Thiès, 431 patients ont été enregistrés et aucun cas d’hospitalisation. Pour la région de Kolda, un seul cas a été signalé et il semble que l’origine de ce cas soit identifiée à Dakar. Au total 1004 cas ont été totalement pris en charge dont un seul hospitalisé. Malgré les assurances de l’autorité la maladie suscite la psychose et des explications invraisemblables sur son origine.
Cependant le Ministre des pêches et de l’économie maritime tient à apaiser les craintes et lever toute équivoque. Alioune Ndoye qui s’est rendu au chevet des malades affirmait que les premiers résultats des prélèvements effectués en mer après l’apparition de la maladie ne relevaient pas d’une pollution chimique.
Son collègue de l’environnement se veut formel. Abdou Karim Sall révèle que « d’après les analyses effectuées la maladie n’est pas d’origine virale. Les équipes d’investigations accompagnées des pêcheurs se sont rendus à 8 km de Ngaparou et 10 prélèvements ont été effectués au total 4 concernant les poissons, 4 sur l’eau de mer et 4 autres concernent les algues ». Et l’autorité de poursuivre: « de tous les résultats obtenus aucune infection chimique ou toxique sur l’eau et les poissons ne pourrait justifier l’origine de la maladie il reste à explorer la piste des algues maritimes» mais cela laisse dubitatif l’expert algologue, Abdourahmane Tamba qui soutient « la toxicité direct ne peut pas provoquer de dommage corporel. La toxicité indirecte ce sont les macro algues et au Sénégal, il y en a qu’une seule: la caulerpe qui peut infecter indirectement l’homme à travers l’oursin ». Le spécialiste en déduit que la maladie ne proviendrait pas des macro algues qui n’ont pas un effet toxique sur le corps humain. Présentement les recherches sont orientées vers les filets de pêches à la suite des résultats d’analyses d’échantillons effectuées par le centre régional de recherche en écotoxicologie et sécurité environnementale. Les conclusions des experts privilégient la piste des filets de pêche.
Malgré les explications à grand renfort médiatique des autorités étatiques les consommateurs sénégalais ne semblent pas rassurés suite aux folles rumeurs sur les causes exactes de la maladie. Les pêcheurs, mareyeurs et revendeurs de poissons ont souffert de la désaffection de la clientèle. Ils ont été nombreux à brader leur marchandises faute de preneurs. Au quai de Yoff, Massamba Fall porte-parole des pêcheurs nous confie: « les ménagères pensent qu’en consommant le poisson elles risquent de contracter la maladie. Nous avons du mal à vendre nos produits, la caisse de poisson qui coûtait 20000 frs CFA est aujourd’hui bradée à 6000 frs CFA faute de clients ». La maladie des pêcheurs affecte presque tous les quais de pêches et lieu de vente de poisson, en témoigne la baisse drastique du prix du poisson à Thiaroye. Les gros poissons qui étaient vendus entre 25000 frs CFA et 20000 frs CFA s’écoulent maintenant entre 15000 frs CFA et 10000 frs CFA même tendance baissière au marché au poisson de Grand Médine ou les clients se font désirer depuis l’apparition de la maladie. Au Sénégal, la pêche génère plus de 53.000 emplois directs et 540.000 indirects selon l’ONU.
Le secteur de la pêche déjà très éprouvé par la Covid19 risque de payer un lourd tribut à la maladie des pêcheurs. Mais les autorités au pays rassurent.