Le volcan de Nyiragongo, à l’est de la République démocratique du Congo, est l’un des plus actifs d’Afrique. Géographiquement, le Nyiragongo fait partie de la chaîne des Virunga, dans la province du Nord-Kivu, à la frontière avec le Rwanda. Contre toute attente, ce volcan est entré en éruption le samedi 22 mai 2021. Il a provoqué la mort de près de 40 personnes. Cette éruption inattendue a touché plus de 400 000 personnes à Goma, dont plusieurs milliers ont été obligées de quitter leurs habitations pour se réfugier au Rwanda voisin, à Bukavu (Sud-Kivu), et à Sake (Nord-Kivu).

La ville de Goma et le territoire de Nyiragongo ont été envahis par la cendre volcanique. Plusieurs infrastructures de base ont été sérieusement endommagées. Des routes coupées, l’eau et l’électricité également. Plusieurs écoles et centres de santé l’ont été aussi.
48 heures après l’éruption, plusieurs secousses sismiques ont été enregistrées. Elles ont créé davantage de fissures dans la ville déjà meurtrie. Les aéroports de Goma et de Bukavu ont été fermés momentanément pour éviter tout risque de crash.
Évacuation des populations
Face à la persistante menace du volcan, le gouverneur militaire, Constant Ndima avait ordonné l’évacuation des populations. Avec l’aide de la Mission des Nations unies pour le Congo (MONUSCO), plusieurs sinistrés ont été installés à Sake. Des bateaux ont été mis à la disposition des sinistrés ayant choisi de partir à Bukavu. Et ceux de la frontière avec le Rwanda ont été logés à Gisenyi (District de Rubavu).
Dans le cadre du programme de Matrice de suivi des déplacements (Displacement tracking matrix, DTM), les équipes de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) ont identifié 4 000 ménages sinistrés qui vivent dans 13 centres collectifs, dont 11 écoles et 2 églises, dans la ville de Goma et le territoire de Nyiragongo.

Dans la précipitation, 1 474 enfants non accompagnés ont été recensés. 256 enfants ont été réunifiés avec leurs familles. Et parmi ceux qui n’ont pas encore retrouvé leurs familles, 131 ont été placés dans des Familles d’Accueil Transitoires (FAT) et 87 dans des centres de transit, rapporte le Bureau de la coordination des affaires humanitaires.
Une chaîne de solidarité a été organisée. Des biens de première nécessité ont été distribués aux sinistrés.
Pour faire face à la résurgence des maladies dans les camps des réfugiés, le gouvernement avec l’aide de partenaires y a installé des cliniques mobiles, pour la prise en charge sanitaire des sinistrés.
Manque d’anticipation
Malgré les risques liés aux aléas naturels, la République démocratique ne dispose nullement d’un plan national de gestion des risques des catastrophes. Une situation qui ne permet pas au pays d’anticiper certaines situations.
« La loi relative aux principes fondamentaux relatifs à la protection de l’environnement, il y a une disposition qui exige à ce que l’État élabore notamment un système d’alertes précoces, un plan national de gestion des catastrophes et un plan national d’intervention d’urgence. Bien dommage que rien de tout ceci n’a encore été fait », a indiqué Félix Lilakako, expert en droit de l’Environnement.
A ce jour, seule la Cellule de la protection civile a été mise en place au niveau du ministère de l’intérieur. C’est cette cellule qui malgré ses difficultés de fonctionnement a pu aider les populations de Goma et environs prises de cours par la coulée de lave.
Cette situation a créé une panique générale, entraînant ainsi de morts et de déplacés. Selon plusieurs observateurs, ces morts de plus et dégâts causés par la lave pouvaient bien être évités si l’Etat congolais prenait la mesure des risques que représentent les volcans Nyiragongo et Nyamulagira, tous deux actifs dans cette partie du pays.
« Cette éruption a démontré à quel point l’Etat congolais a failli à sa mission de protéger la population et ses biens. Le gouvernement n’accorde pas beaucoup d’attention aux risques de catastrophe malgré les alertes lancées par l’OVG (Observatoire volcanologique de Goma) », a indiqué le coordonnateur provincial de la protection civile, Joseph Kambale Makundi.
Des propos corroborés par Junior Kasamba, journaliste indépendant basé à Goma. « Deux semaines avant cette éruption, l’OVG avait alerté sur l’intense activité du volcan. Cependant, aucune attention n’y a été accordée par le gouvernement central », informe -t-il.
Le ministre congolais de la recherche scientifique et innovation technologique, José Mpanda a quant à lui précisé que cette situation est inhabituelle car, contrairement aux autres éruptions, celle-ci n’a pas présenté des signes précurseurs.« L’éruption volcanique du Nyiragongo survenue le samedi 22 mai dernier n’avait aucun signe précurseur qui pouvait permettre à nos services notamment l’OVG de prédire ce drame. C’est une catastrophe éminemment naturelle », a dit le ministre devant la représentation nationale.
L’OVG pointé du doigt
Bien que l’éruption soit intervenue sans signe, l’OVG (Observatoire Volcanologique de Goma), soutient par ailleurs que les pertes en vie et en matériels pouvaient être évitées ou atténuées si tous les moyens techniques et financiers étaient disponibles. Depuis la fin du financement de l’Union européenne octroyé à cet observatoire, l’institution de veille et de contrôle éprouve des difficultés pour faire ses expéditions d’observations dans les cratères de ces deux volcans.
Lors de son passage à Goma, le premier ministre congolais, Sama Lukonde Kyenge a au cours d’une conférence de presse reconnu cette faiblesse et promis que son gouvernement mettra à la disposition de l’OVG, de moyens conséquents pour remplir sa mission. Depuis la récente l’éruption, plus de trois missions d’observation ont été diligentées au cratère de Nyiragongo.
« Avant l’éruption, c’était pénible parce qu’on n’avait pas assez de moyens financiers. On allait d’une manière irrégulière, soit une fois le mois », affirme Célestin Kasereka Mahinda, directeur scientifique de l’OVG.
Mais pour combien de temps cela va-t-il durer, s’interrogent les experts?

Quelles solutions envisagées?

De 1960 à 2021, le Nyiragongo a craché du feu au moins trois fois, soit en 1974, 2002 et 2021 causant ainsi des pertes en vies humaines et en matériels. Malgré cela, la ville de Goma, construite sur les plaques tectoniques ne dispose pas des infrastructures résilientes. Aucune norme anti sismique n’y est imposée. Pour cette nouvelle éruption, le coût de dommage est évalué à plus de 10 millions de dollars, indique le gouvernement.
Parmi les solutions à court terme, figurent notamment l’interdiction formelle de construire sur la voie par où la lave est passée. Car, cette nouvelle éruption de Nyiragongo a suivi presque le même itinéraire qu’en 2002.
Quant à l’indemnisation des sinistrés, et ceux qui ont perdu leurs maisons lors de cet évènement, aucune mesure n’est encore annoncée. Le gouvernement de la RDC entend tout de même délocaliser les dix quartiers de la ville de Goma, notamment les localités situées au pied du volcan.
« Les acteurs humanitaires poursuivent les concertations avec les autorités afin de préciser la stratégie d’intervention dans le cadre de l’assistance aux sinistrés ayant perdu leurs maisons lors de l’éruption volcanique du 22 mai », a indiqué un bulletin de l’OICHA.
Voisine de l’Ouganda, la région de Goma est une zone d’intense activité volcanique, avec six volcans, dont le Nyiragongo et le Nyamuragira qui culminent respectivement à 3 470 et 3 058 mètres d’altitude. L’éruption la plus meurtrière du Nyiragongo, en 1977, avait causé la mort de plus de 600 personnes.